Sardaigne en voiture : itinéraire pour un tour complet de l’île

Cet article est un récit de mon tour de Sardaigne en voiture. Pour vous rendre directement à mes conseils pratiques et mon retour d’expérience, cliquez ici.

J’ouvre les yeux sur l’un de ces magnifiques ciels roses que l’on retrouve souvent en Méditerranée, les jours de matin calme et ensoleillé. Dès les premières notes de la journée, et même s’il fait encore frais, on devine la canicule qui s’apprête à couvrir le monde.

Quelques bourrasques bien placées suffisent à me sortir de la torpeur. Le monde est bruyant. La mer vocifère, agacée qu’un bateau vienne perturber sa quiétude. Voilà plus de 15h qu’il fend le plateau marin, imperturbable à ses changements chromatiques. Hier soir, il était doré, cette nuit d’un noir de ténèbres, ce matin d’un azur plein de vitalité.

On entend le ricanement des mouettes, annonçant l’imminence de notre arrivée. Une information qui se confirme lorsque je me mets sur mon séant. Les terres sardes sont en vue. Elles mettent du relief sur la ligne d’horizon. Trop éloigné pour distinguer quoi que ce soit, elles ont l’aspect d’ombres chinoises projetées sur le vaste écran céleste. Une heure nous sépare encore de Cagliari.

Alors que mon guide de poche me promettait des vols de flamants roses, aucun volatile en vue au-dessus de la ville. Elle n’en demeure pas moins très belle. Une colline bigarrée au pied de laquelle se trouve un port.

Cagliari, chef-lieu de la Sardaigne, n’est pas une ville bruyante. En ce sens, elle détone avec la fougue rencontrée en Campanie. Nous prenons un café sur une place, conscients que la fraicheur du petit matin n’est qu’un prélude au zèle des chaleurs de la journée.

Nous nous rendons dans un comptoir de location, où après une petite heure, nous repartons en Fiat grise courir la campagne de l’Ouest de la ville. 

La plage de Terruda

Le Sud de la Sardaigne est très aride. Peu de végétation parvient à se sortir la tête du sable. Elle se constitue principalement des maquis, ces petits buissons tout secs. Dégageant un puissant parfum, on se convainc rapidement qu’il s’agit là de l’odeur de la Sardaigne.

Après quelques heures de route, nous arrivons à la plage de Terruda. Cette magnifique crique est battue par le soleil. Sur toute la côte, la chaleur semble mettre le monde au ralenti. Le calme règne ici en maitre. Il faut dire que la Sardaigne est la province la moins densément peuplée d’Italie, où un million et demi d’habitants se répartissent sur un territoire deux fois plus grand que sa voisine la Corse. Les insulaires vivent ici à l’abri de l’agitation continentale, sur une terre sauvage qui, bien qu’elle soit cernée par la mer, vie principalement de l’élevage dans son arrière-pays.

Toutefois, une large part de son revenu vient du tourisme balnéaire. La beauté de ses plages aux eaux cristallines en fait de sérieuses concurrentes à celles que l’on peut trouver dans des régions exotiques.

Terruda fait partie de ces plages. Un long bras terrestre coiffé d’une tour de guet qui clôture une baie. Les vagues y sont un léger murmure. L’eau, turquoise à distance, est transparente dès lors qu’on s’y rapproche. Si une partie de la plage, privatisée, est vouée aux vacanciers, le reste de la côte est laissée à l’état naturel. C’est pourquoi son fond de bassin est rocailleux et rempli d’oursins…

Île de Sant’Antioco

Nous progressons vers l’Ouest. Bientôt nous empruntons une fine bande de terre permettant l’accès à la presqu’île – plutôt l’île – de Sant’Antioco.  

Nous traversons la presqu’île jusqu’à parvenir à la plage de Cala Lunga. Cette petite incursion marine dans la roche s’arrête là où commence un subtil mélange de sables fins et de coquillages. Coup de chance, un concert s’y donne le soir de notre arrivée, éclairé par la lune et rythmé par le déferlement des vaguelettes.

Le lendemain, nous filons au Nord sur la Nido dei Passerei, roulant au bord de ses falaises. Ses récifs constituent une colonie pour les moineaux. La rencontre entre ses roches en trachyte rouge et le ressac de la mer offre un joli spectacle. Nous virons ensuite en direction de Sant’Antioco, le patelin principal de la presqu’île, et nous flânons dans ce village allongé à flanc de colline. Aux heures chaudes, la population semble avoir déserté.

La région minière de la Sardaigne

Nous retraversons l’isthme pour retrouver l’île principale. Nous traversons la région du Sulcis en direction de l’Iglesiente. Le paysage à des aires de Sierra mexicaine, parsemée qu’elle est de maquis, de cactus et de villa rectangulaires rappelant les pueblos. Cependant, nous quittons bientôt ce décor pour pénétrer dans un massif forestier.

Le contraste est saisissant. L’évolution du paysage donne l’impression d’avoir changé de latitude. « Les iles sont des résumés de continents », dis-je à mon compagnon de voyage.

Nous venons de pénétrer dans la région minière de la Sardaigne. On y croise de nombreux sites abandonnés. Ils sont le témoignage de l’industrie minière italienne de la fin du 19ème siècle. Les sous-sols du Sarrabus, riches en argent, furent le lieu de travail de plus de 1500 mineurs, répartis dans les mines de Masaloni, de Giovanni Bonu, du Mont Narba et bien d’autres.

Curiosité de la région : la ville de Carbonia. Entièrement construite par Mussolini pour y loger les mineurs, elles disposent de toutes les caractéristiques de la « ville fasciste », rigoureusement organisée et fonctionnelle.

Les dunes de Piscinas

En sillonnant les dernières routes des Monts Linas, nous perdons toute l’altitude accumulée. Nous retrouvons bientôt les maquis, mais le climat est frais et sent le sel. On devine la mer à l’horizon.

Nous croisons de nombreux troupeaux, surveillés par leur berger. Bientôt nous pénétrons dans un décor atypique. Ici commencent les dunes de ce que certain.es appellent « le désert de Piscinas ». Ce paysage de sable est plein d’élégance. Au nord, on distingue les dômes et les pics du massif volcanique du monte Arcuentu. Un avant-gout de la suite…

Les vestiges de Su Nuraxi

Passé les cols, nous faisons face à l’immensité de l’arrière-pays. La grande plaine de Campidano relie Cagliari à Oristano. Elle est parsemée de petits villages et recouverte de champs. Traversée par un fleuve, on y pratique l’agriculture de froment et d’artichaut, typique de la région.

Quelques heures à traverser cette plaine et déjà le paysage change. Nous parvenons dans un pays sec, fait de collines à la pelure blonde. Les cactus et les champs d’olivier parsèment ces étendues dorées.

La région abrite les fameux nuraghes, de petites constructions préhistoriques parfaitement intégrées au décor. Su Nuraxi, le plus célèbre d’entre eux, est perchée sur une pyramide de terre. Le site remonte à l’âge du Bronze, époque où l’île était alors habitée par la civilisation nuragique, entre 1900 et 730 av. J.-C. Les hommes et femmes de l’époque ont eu la gentillesse de couvrir le territoire de ces petites structures en cône, ajoutant à la Sardaigne un zeste d’élégance et de profondeur historique.

La côte près d’Oristano

Il n’y a pas d’autoroute en Sardaigne, mais une route nationale reliant Cagliari à Sassari. Nous la prenons pour parvenir au Nord d’Oristano, dans un petit village au nom étrange : S’Archittu. En Sardes, cela signifie quelque chose comme « qui s’est arqué ». Et pour cause, l’élément qui vaut ici le détour est un bras rocheux percé par une arche, délimitant une crique qui aboutit sur une plage.

Des jeunes s’amusent à sauter depuis le sommet de l’arche. En-dehors de cette agitation, l’atmosphère est calme. Elle semble l’être partout en Sardaigne. Est-ce le bruissement léger des vagues qui décontracte ses habitants ? Ou bien la chaleur caniculaire qui leur impose la retenue ? Même les flots de touristes, concentrés sur des plages privatisées, ne perturbent pas cette quiétude.

Village au milieu de terres calcinées par les incendies

Le village de Bosa

Le village de Bosa est une superbe colline cerclée d’habitations colorées. Au sommet s’y dresse le château de Malaspina. L’ensemble se situe dans un arrière-pays de vignes et de prairies. Au pied de la colline coule la rivière Temo, en bout de course. On distingue la mer depuis les hauteurs.

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Bosa est un magnifique village, fondé par les Phéniciens en 900 av J.C. En son sein, des ruelles vides, des chats qui déambulent sur les toits et les murets, et des femmes qui travaillent la dentelle devant la façade de leur maison pastel.

La strada Bosa-Alghero

Quel beau spectacle que la route reliant Bosa et Alghero ! Une splendide sinusoïdale dans les airs, version sauvage de la côte amalfitaine. Les escarpements sont moindres, mais le spectacle est au rendez-vous. Il n’y a ici rien d’autre que la terre rouge moussée de verdure et la mer. Une route panoramique, glissant sur une roche dont les anfractuosités dissimulent des plages secrètes.

Alghero

Alghero est la ville la plus espagnole de Sardaigne. Rectifions : la plus catalane. On l’appelle même « la petite Barcelone sarde ». Les liens entre l’Espagne et cette petite ville portuaire remontent au 14ème siècle. À cette époque, les Catalan importèrent leur langue et leur architecture, de style gothique, que l’on retrouve par exemple sur l’église.

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L’arrivée à Alghero sert de conclusion à la splendide route empruntée depuis Bosa, Un virage et puis l’horizon se dévoile. On aperçoit alors cet écrin jaune beige, ponctuée d’un clocher de pierres sombres et un dôme polychrome. Les remparts sont équipés de canons et percés par intermittence de tours de guet. Ils n’en subsistent que la partie marine. Ayant la houle pour seul ennemi, ils constituent aujourd’hui une promenade en bord de mer menant jusqu’à son port et à sa plage.

La ville est petite et pourtant dynamique. On y parlerait encore catalan et espagnol, à l’instar de la région Nord-ouest de la Sardaigne. Ironiquement, les occurrences de ces parlers s’observent surtout dans la cohue des touristes égrenant les terrasses des restaurants.

Sassari et la côte Nord

Sassari est la deuxième ville de Sardaigne. Elle est le centre urbain de la partie Nord, et le point à partir duquel nous virons vers l’Est puis vers le Sud.

La côte Nord regorge toutefois de merveille. D’un côté le Golfo dell’Asinara, cerclé par le parc national éponyme sur lequel se trouve la magnifique plage de Pelosa, et bordé de la belle Castelsardo, dont l’apparence rappelle celle de Bosa. De l’autre, la fameuse et très touristique Costa Smeralda, dont l’Arcipelago de Maddalena constitue peut-être l’apothéose, abritant notamment la superbe Spiaggia rosa.

Sassari, quant à elle, est une ville médiévale dans laquelle se trouve des quartiers plus modernes. Elle abrite de belles places, et des églises finement sculptées, à l’image du Duomo San Nicola.

La route du Roman

Depuis Sassari débute une route permettant la rencontre de quatre cathédrales d’apparences très différentes, quoique chacune issue du roman. Dans la région, elles sont appelées « les quatre magnifiques ». Une route permet de battre la campagne autour de Sassari, et de relier chacune d’entre elles jusqu’à Ozieri, village situé entre trois collines et servant de porte d’entrée à la partie montagneuse de l’île.

Le clou du spectacle de l’itinéraire arrive d’entrée de jeu. La Santissima Trinita di Saccargia est une bizarrerie du paysage, tant son envergure parait inappropriée dans ce décor de pâturages. L’édifice zébré se constitue d’une intermittence de bandes de calcaire et de lave basaltique.

La Santa Maria del Regno est un bloc de basalte noir perché dans sur les hauteurs d’Ardara. Elle campe telle une ombre toisant la vaste plaine.

Dans la même veine est la Sant’Antioco di Bisarico, quoique de couleur différente. Située sur un éperon, petit ilot au milieu des prairies, elle semble bien isolée. Les chaleurs du jours réduisent à un silence religieux toute trace de vie dans le périmètre. Cela offre un calme exceptionnel, que seul vient perturber le bruissement dans les feuilles de l’arbre qui borde son parvis.

Vers Olbia et la côte Est de la Sardaigne

Passé Ozieri et voilà que les reliefs s’accentuent. Si l’ouest de la Sardaigne est un vaste plateau entrecoupé de modestes massifs, l’arrivée dans l’Est constitue une entrée dans le royaume des montagnes.

Le Canyon de Gorropu

C’est dans le massif du Supramonte que les plus hautes altitudes se sont érigées. S’y développe un univers sauvage, fait de roches, couvert de genévrier séculaires et de chênes lièges, et recelant des cavités et des grottes dissimulés. Quelques bergers habitent encore cet espace, s’abritant dans de petites cabanes.

Ce rempart massif fait face au Golfo di Orosei, immense pétale de mer dont le travail sur la côte rocheuse a mis au monde de splendides plages, si différentes de celles croisées de l’autre côté de l’île.

Le Canyon de Gorropu est une gorge creusée dans ce fatras de pierre. Et quelle gorge ! Elle est considérée comme la plus profonde d’Europe. Diverses randonnées proposent de cheminer vers les entrailles de la terre.

Vers Villasimius

On ne quitte plus les montagnes, elles nous suivent jusqu’à l’extrême sud. Nous roulons vers Villasimius, qui se trouve aux abords du parc géomarin du Capo Carbonara. Sur une presqu’île : Punta Molentis, une plage servant de décor pour certains films se déroulant … dans les Caraïbes.

Retour à Cagliari

Voilà que la boucle est bouclée. Retour au camp de base, au comptoir de location où la petite Fiat grise pourra enfin laisser souffler son moteur.

Conseils pratiques pour un tour en voiture de la Sardaigne

Combien de temps pour un tour de Sardaigne en voiture ?

5-6 jours nous ont été nécessaires pour faire le tour de l’île. Un timing serré, car si certains espaces se traversent rapidement (surtout dans la partie Ouest couverte de plaines et traversée d’axes plus importants), l’accès à d’autres parties de l’île, notamment dans ses sections montagneuses, se paye par de longs trajets sur des routes sinueuses. Prévoir une semaine complète est peut-être plus opportun pour éviter l’impression du rush, mais reste selon moi encore un peu court, surtout si vous souhaitez intégrer dans votre itinéraire les archipels de la Costa Smeralda et du parc national d’Asinara. Ces iles sont plus difficiles d’accès et nous avons dû les ignorer.

Prévoir donc le maximum de temps possible, de préférence deux semaines, pour réaliser un tel tour. Sinon, chaque partie de l’île vaut la peine d’être explorée plus en profondeur, car la Sardaigne se compose d’une mosaïque d’univers différents. La meilleure idée avec peu de temps reste donc peut-être de se concentrer sur une région.

Code de la route

La qualité des routes est très variable en Sardaigne, bien entretenue pour les principales, en mauvaises état dans les régions plus reculées. Il n’y a pas d’autoroutes mais des Strade Statali, l’équivalent des routes nationales, signalée par des panneaux bleus. La limitation de vitesse est de 50km/h pour les villes et les routes communales et de 90km/h ailleurs. Une règlementation impose de garder les feux allumés dès la sortie des agglomérations (règle que nous n’avons jamais suivie, vu la lumière des journée d’été…).

Dangers

La Sardaigne étant faiblement peuplée, le trafic routier est relativement calme. De plus, la conduite des Sardes tend à être plus prudente que celle rencontrée sur le continent. Les milieux urbains demeurent toutefois animée sur les routes, et les petites motos et scooter restent nombreux. Dans les campagnes, la présence de bergers et de troupeaux invitent à la vigilance.

Location de voiture

Pour louer une voiture, mieux vaut se rendre dans un loueur locale pour avoir les prix les plus intéressants. Les enseignes internationales disposent d’un comptoir de location dans les aéroports. Pour conduire, il faut être âgé minimum de 21 ans et avoir son permis depuis plus d’un an. Réserver tôt pour être sur d’avoir un véhicule lors de la saison touristique.

Prix de l’essence

L’essence est à un prix similaire à la France. Les stations services acceptent tous la carte. Elles sont ouvertes 24h/24 autour des grands axes, mais ont des horaires qui varient sur le reste du territoire (en générale, fermeture le dimanche).

Stationnement

Le stationnement dans les grandes villes est règlementé par un code couleur tracé au sol:

  • les lignes jaunes indiquent un stationnement réservé aux riverains
  • les lignes blanches indiquent zones de stationnement gratuit
  • les lignes bleues indiquent les stationnements payants (de 8h à 20h)

Certaines zones proches des centres historiques sont dites ZTL, et sont renseignées par des panneaux indiquant « Zona a traffico limitato riservata ai veicoli autorizzati« . Eviter d’y pénétrer sous peine de recevoir une grosse amande…

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