Voyage en Cappadoce : cheminées de fées et cités troglodytes

Ce article relate une escale en Cappadoce, dans le cadre d’un voyage plus long, qui de Bruxelles nous a mené jusqu’au Mont Ararat. L’étape précédente était à Istanbul.

Kayseri

Je dors mal à cause du rebord de fenêtre, trop penché et trop glissant que pour pouvoir y poser sa tête en toute confiance. J’essaye de glaner quelques heures de sommeil, avant que les premiers rayons ne soient trop cuisants pour la partie exposée de mon visage.

Arrivée à Kayseri, ville aride de béton chauffé par le soleil. Une grande gare moderne se dresse au centre des immeubles. Les horizons alentours dévoilent des montagnes rocheuses et désertiques. Le sommet du Mont Erciyes se démarque des autres. Au pied de ce volcan, qui porte ses glaciers en plein désert, vivraient encore des peuples de semi-nomades profitant de la fertilité des sols.

Sur l’immense parking face à la gare, nous trouvons un Dolmus, un de ces minibus que l’on trouve dans toutes les villes de Turquie. Il se rend à Avanos, un village dans la région de la Cappadoce. Le Dolmus est rempli à craquer. Nous traversons une terre de pierre, aride, hostile où la chaleur se voit à l’œil nu.

Avanos et Göreme

Lors de notre arrivée à Avanos, la matinée est déjà bien avancée et le soleil cogne. Le village en est réduit au silence. Nous trouvons un camping, où une piscine est dominée par des tobogans abandonnées. Plus possible d’y résider, seule la piscine est accessible moyennant paiements. Nous repartons plus loin, cette fois avec un taxi, appelé grâce à un bouton posée sur un poteau électrique. Il nous emmène à Göreme. Le village est fameux car au centre des formations géologiques emblématiques de la Cappadoce : les « cheminées de fées ». Il y est en réalité totalement intégré, la plupart de ses maisons étant rupestre.  

Nous prenons de la hauteur. Le panorama sur la région est incroyable. Nous installons notre tente au camping Panoramique. Outre la vue magistrale qu’il offre sur Göreme, on peut y distinguer Uçhisar, au loin. C’est aussi un village troglodyte, mais dans un style très différent.

Promenade dans la Cappadoce, de Göreme à Uçhisar

Nous profitons des heures fraîches de l’après-midi pour faire une visite de Göreme et de ses environs. Des travaux sont en cours pour refaire la route principale. Difficile de trouver de l’authenticité dans ce village. Tout y est privatisé, si bien qu’il est ardu de trouver des chemins pour aller voir les cheminées de plus près. Nous parvenons tant bien que mal à atteindre l’une d’entre elles. Il s’agit d’un pigeonnier. Dans la Cappadoce, les pigeonniers sont une tradition ancienne. Sculptés dans les falaises de tuf, ils jouaient un rôle crucial dans l’agriculture. Les fientes des volatiles étaient utilisées comme fertilisants naturels, dans une région où l’eau était rare.

Nous empruntons un autre chemin. Celui-ci prend de la hauteur jusqu’à atteindre la crête de la grande citerne. L’arrivée à son sommet offre une vue splendide sur toute la région. Nous sommes dans un immense canyon, dont toute l’originalité provient de ses formations géologiques fantaisistes. D’un côté, un grand plateau surélevé, ceint de falaise, d’un autre Uçhisar. 

Nous poursuivons notre route entre des champs d’orangers. Le soleil couchant fabrique un jeu d’ombre sur les massifs avoisinants, ce qui accentue le relief de leurs courbes. Ces pentes sont comme des ondes figées. Le monde, si hostile à midi, devient en soirée un jardin d’Eden. Les heures dorées subliment le décor.

Uçhisar, panorama sur la Cappadoce

Bientôt nous parvenons à Uçhisar, qui offre une nouvelle vue époustouflante sur la région de la Cappadoce au crépuscule. Buvant un coup sur une petite terrasse, nous contemplons le spectacle du monde. Discrète comme une ombre, les formes du mont Erciyes apparaissent à ma vision. Le volcan devient de plus en plus visible, jusqu’à ce qu’on puisse nettement distinguer les neiges éternelles posées sur son sommet. Il est tout à fait stupéfiant de voir des cimes enseignées dans pareil climat. Cette montagne solitaire est aussi grandiose qu’apaisante. Elle disparaît petit à petit dans l’opacité du ciel.

Les vols de montgolfières

Le lendemain, vers 6 h du matin, le feu d’une montgolfière me fait sortir de mon sommeil. Lorsque je prends conscience de quoi il s’agit, je sors immédiatement de ma torpeur. Le ballon est à 10 mètres de nous et je le distingue depuis l’intérieur de ma tente. Je sors de l’habitacle et assiste au spectacle. Dans un ciel rose, des centaines de montgolfières s’élèvent en même temps que se lève le soleil, pour y admirer le canyon et l’évolution de ses couleurs. Le Mont Erciyes est cette fois-ci parfaitement visible.

La Cité souterraine de Derinkuyu

Nous nous rendons au village de Derinkuyu. S’y trouve l’une des cités souterraines de la Cappadoce. Le site est accessible par une entrée payante munie d’un portique. Derinkuyu signifie « puit profond ». Il s’agit des vestiges d’une ville qui s’étend sur 445 kilomètres carrés, faisant d’elle la plus grande de Turquie. Elle descend jusqu’à 85 mètres de profondeur et est composée de centaines de pièces s’étendant sur plusieurs niveaux. Jusqu’à 20 000 habitants pouvaient vivre ici.

La région de la Cappadoce recèlerait quelques 200 villes cachées. Beaucoup sont connectées à Derinkuyu par des tunnels minutieusement creusés, certains s’étirant sur 9 kilomètres.

Lors de ma visite, un peu trop de monde et de bruit. J’éprouve une sensation similaire à celle de la citerne Basilique d’Istanbul. Je donne difficilement à ces tunnels en pierre, ces chambres et ces alcôves, l’attention qu’ils méritent.

Le festival d’Hacibektas

Transitant par Neveshir, nous prenons un nouveau Dolmus vers Hacibektas. Nous avons eu vent de festivités dans ce village, dans le cadre d’un festival de poésie lyrique traditionnelle. Nous y arrivons en fin de journée. Pas de musique ni de représentations. On nous renseigne qu’elles auront lieu seulement le lendemain. Pourtant, la foule est partout et nous apprenons que se donne aujourd’hui une rencontre politique.

À Hacibektas vit une importante communauté Alévie. Il s’agit d’une minorité turque, suivant les préceptes d’un Islam chiite qui diffèrent du courant majoritaire. Beaucoup d’individus portent des vêtements traditionnels colorés, surtout les femmes, dans un style qui m’évoque la culture balkanique. Notre présence est ici quelque peu incongrue, et nombre de regards pointent dans notre direction. Soudain, une clameur retentit suivie d’un mouvement de foule. Un représentant politique est en train de se frayer un chemin parmi la cohue, suivie par un cortège de journalistes. Ils se rendent à l’intérieur d’un bâtiment où se tient un meeting à huis clos.

La vallée des Roses

Dernière matinée. On profite de notre réveil aux petites heures pour nous rendre dans la vallée des Roses, avant que les chaleurs ne deviennent plus supportables. Nous nous promenons dans ce décor insolite, par des chemins sinuant entre les cheminées.

Lorsque la matinée s’avance, on voit l’arrivée de nombreux vacanciers, en chevaux, certains en Quad… La Cappadoce est usée par le tourisme, implanté depuis plus de 50 ans. Les pigeonniers sont dégradés, les vergers se dépouillent, et la paysannerie locale s’érode, broyée par la machine touristique.

Départ de Cappadoce

Nous ne resterons pas plus de deux jours dans la Cappadoce, contraints par le temps. La région s’avère intéressante et magnifique dès lors que l’on fait l’effort de quitter les circuits balisés. Nous reprenons un Dolmus vers Kayseri. Il est temps de reprendre la route de l’Est.