Mont Ararat, vers le nombril du Monde
En quittant l’agglomération de Van, nous nous retrouvons dans les grandes étendues du Kurdistan turque. Le paysage est ici semi-désertique, et les herbes sèches qui parviennent à sortir leur tête de la terre permettent à quelques troupeaux disséminés de paitre. Le territoire a des allures de steppes d’Asie centrale, desquelles, mine de rien, nous nous rapprochons dangereusement. Peu de présence humaine, mais de larges routes. Aussi, une importante concentration militaire. De nombreux péages barrent les routes, occupés par des soldats et des véhicules blindés. Cette présence se fait plus prégnante à mesure que nous approchons de la frontière iranienne. Cette dernière est toute proche, et bientôt sur les routes nous croisons un panneau routier indiquant « Iran, 1 km ».
La route longe cette frontière sur plusieurs kilomètres, et on la distingue grâce au mur séparant les territoires de chaque État. Il est curieux d’avoir l’Iran qui nous fait face, alors que nous quittions en train la gare du midi il y a quelques semaines de cela.
Le Mont Ararat
Et puis il y a ce virage. Un virage qui révèle le dernier morceau de Turquie qu’il reste. Une petite protubérance, arrachée à l’Arménie en 1921, prolonge le pays de quelques dizaines de kilomètres. Au centre, trône son pic, sentinelle posée au croisement des frontières turque, arménienne et iranienne. Le Mont Ararat, l’objectif ultime du voyage, se dresse plus haut que toutes les autres montagnes. Un mastodonte coiffé d’une calotte de glace, solitaire au milieu de rien.
Bien plus que rien en réalité. Un massif plus modeste, dont le soleil a donné un rouge de brasier sans flamme, devance la montagne. Elle offre un jeu de perspective qui accentue le vertige du décor. Quelques villages blancs se nichent dans ses anfractuosités. Au pied de ses contreforts, une immense plaine d’herbes jaunies, que parsèment ça et là quelques bâtisses, yourtes, champs et prairies.
La route forme un grand lacet jusque dans la vallée. Je n’entends plus le frottement des pneus sur la route. J’ai l’impression de voler dans un paysage hors du temps. Ça y est, nous y voilà, le nombril du Monde.
Dogubayazit
Au milieu d’une plaine désolée se dresse Dogubayazit. C’est un amas de construction étalée autour de deux axes routiers formant une croix. Petite ville du bout du monde, son ambiance et son rythme n’est pas en veille. Beaucoup d’activités dans ses rues, des habitants, principalement kurdes, discutent sur les trottoirs et dans les cafés, et s’activent à leurs tâches quotidiennes. Le Mont Ararat veille sur la marche de chaque journée, et même dans le cloisonnement des rues, il est possible de voir sa coiffe de neige briller au soleil.
Dogubayazit est une ville des limites de l’empire ottoman de jadis, et qui marquait la frontière avec l’empire perse à quelques kilomètres à l’Est. On ressent bien, dans son atmosphère, cet aspect de ville frontalière, située aux confins. Elle se trouve au pied d’un gros rocher, une sorte de vague figée en l’air qui s’apprête à s’effondrer. Je ne connais pas le nom de cette colline. Je ne saurais dire pourquoi, mais elle me fascine.
Si ce n’est se plonger dans la vie du lieu, il n’y a pas grand-chose à faire à Dogubayazit. La plupart des étrangers qui y passent sont là pour l’ascension du Mont Ararat. Un peu plus loin se trouve toutefois un palais qui peut valoir le détour.
Palais d’Ishak Pasha
Lorsque nous y parvenons, le soleil se couche et la vue est superbe. Dans un rouge de feu : le palais, les lumières de Dogubayazit, gros losange applati, et le rocher sans nom forment les points de repères principaux dans la vaste plaine désolée.
Le palais d’Ishak Pasha fut une étape sur la route de la soie. Construit durant la période ottomane, il fut initié par Çolak Abdi Paşa en 1685 puis achevé par son petit-fils, Ishak Paşa, en 1784. Il se compose d’une enceinte jaune et ocre entourant une cour en forme de fer à cheval. Le complexe inclut une mosquée, un harem, des cuisines, des bains et des salles de cérémonie, ornées de sculptures influencées par l’art persan et seldjoukide.
Forteresse d’Urartian
En amont, greffés à la paroi rocheuse, se trouvent les restes de ce qui fut une forteresse byzantine. Je n’ai aucune idée de l’histoire du lieu, car aucune indication ne l’accompagne. Les ruines sont justes laissées telles quelles, à l’abandon, ce qui est fascinant et me laisse un brin de l’impression que durent vivre explorateur.rices découvrant une cité perdue.
Ou ai-je dormi ?
Sur Google Maps, nous avons repéré un mystérieux « camping panoramique » dont nous n’avons pour informations que le nom. Il se trouve face aux ruines byzantines. Arrivés sur place, nous constatons qu’il n’y a pas de camping, mais un hôtel fermé, en pleine refonte. Un entrepreneur s’y trouve et a lancé de grands travaux de réaménagement de l’intérieur. Il nous dit que nous pouvons installer notre tente dans l’espace herbeux et que nous pouvons utiliser les sanitaires déjà opérationnels. Nous installons nos tentes sous des cabanes en bois titubantes. Ce n’est pas rassurant vu la violence des rafales de vent, qui souffle avec zèle depuis notre arrivée à Ishak Pasha.
Point de vue sur le Mont Ararat
Pour avoir un beau point de vue sur le Mont Ararat, nous poursuivons la route en amont du camping jusqu’à un petit monastère. Ici, des familles pique-niquent dans l’herbe sèche. Malgré le fait que nous soyons dans une région très reculée, ils ne semblent pas surpris de voir des Européens. Le Mont Ararat reste un lieu populaire pour les alpinistes.
Nous prenons un chemin qui prend de l’altitude et sinue à travers les steppes jusqu’à parvenir aux faîtes de la petite chaine de montagnes sur laquelle on se trouve. De là, nous avons une vue imprenable sur le Mont Ararat. Il est constitué en réalité de deux sommets. Le « Grand Ararat » culmine à 5137 mètres, ce qui en fait le point le plus haut de Turquie. Le Petit Ararat lui est relié par un plateau de lave. Il a l’aspect d’un volcan symétrique. Et pour cause, le mont Ararat est bel et bien un volcan, ce qui explique qu’une si haute montagne ait poussé au milieu de steppes.
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Même si j’avais déjà entendu parler du Mont Ararat, c’est une région que je ne connais pas du tout et que je n’ai jamais visitée. Ceci dit, tes photos et le récit de ton voyage risquent bien de me donner envie d’y aller ! En tout cas, merci de m’avoir fait voyager à travers ton article !
Merci pour ce partage. Je suis moi même une baroudeuse et depuis 2 ans je fais des voyages à vélo et j’adore.