Randonnée dans la Forêt de Saint-Hubert
Géographie des lieux
Au cœur des Ardennes, se trouve le massif forestier de Freyr. On le connaît davantage sous le nom de forêt de Saint-Hubert, du fait de la présence de la ville du même nom, jouxtant l’éminence avec des communes comme Nassogne ou Tenneville, pour ne citer que les plus importantes. Les différents sites touristiques de Wallonie en vantent son étendue : « Grande forêt de Saint Hubert », « la forêt infinie ». On peut en effet constater en observant une carte ou une image satellite la présence de cette proéminence montagneuse. Une grosse « tâche verte » reliée à la manière d’une péninsule au reste de la chaîne. La forêt de Saint-Hubert représente une portion de ce territoire.
Pourtant, nous sommes ici en plein centre de la première crête ardennaise. Celle-ci offrirait la possibilité de marcher de la France à l’Allemagne sans quitter le revêtement des arbres. En Belgique, il n’est pas fréquent de pouvoir se balader dans une nature sans voir à l’horizon une maison, un champ ou autres constructions humaines. Et pour cause, le couvert forestier en Belgique ne représente plus que 23 % de la surface du pays (selon les chiffres de la société royale forestière de Belgique). Un tel sanctuaire apparaît donc comme une aubaine, particulièrement pour une faune trouvant là un espace pour sa survie. « Terre de cerfs et de légendes » nous annonce d’ailleurs le site http://www.lagrandeforetdesainthubert.be/fr consacrée à la région. Il n’en fallait probablement pas plus pour me donner l’envie d’y jeter un œil.
La randonnée que j’ai réalisée est proposée par le site https://walloniebelgiquetourisme.be/ dans son guide intitulé « Wallonie insolite / 15 balades familiales ». Celle-ci propose de réaliser une double boucle de 13 km extensible en 16. Le départ se fait de Laneuville-au-bois.
Entrée dans la forêt de Saint-Hubert
Dans ce village ardennais, le sabot est mis à l’honneur. C’est d’ailleurs par la rue des sabotiers que commence la promenade. La rue nous invite à pénétrer sous la couverture forestière en vue d’arriver au Rau de Basseille. On suit son cours quelques instants avant de pouvoir s’introduire dans le massif forestier. On traverse une courte zone qui semble avoir été laissée à l’état sauvage.
Le site est inscrit au réseau Natura 2000, mis en place par l’Union européenne pour préserver la diversité biologique. On y trouve essentiellement des hêtraies et des peuplements résineux dont l’épicéa domine. Sur les plateaux au-delà de 500m d’altitude s’étendent des landes humides et tourbeuses. La faune y est variée. On y trouve entre autres des cigognes noires, des cerfs, des brocards, des laies avec leurs marcassins.
Poursuivant la route, on arrive sur une grande avenue bordée par des allées d’arbres bien alignées et à distances équivalentes. Bien que ces monocultures donnent parfois l’impression d’endosser un rôle d’officier passant en revue des troupes, il demeure un certain charme de cette ordonnance de la nature. Il ne m’empêche pas de préférer la partie sauvage à la droite de « l’avenue ». Si on y pénètre une cinquantaine de mètres, l’on retombe sur le ruisseau. Celui-ci crée une frontière sillonnant entre la forêt et une fagne où se trouve un poste d’observation.
Il s’agit d’une dépendance de la fagne de l’Assence. Ce contraste marqué offre un décor plutôt élégant, qui invite à passer de manière presque impromptue d’espaces camouflés à des ouvertures panoramiques. Les postes d’observation, autrefois destinés à la chasse, ont même la politesse de s’intégrer parfaitement au paysage.
Au cœur de la forêt
Il faut abattre plusieurs kilomètres pour pénétrer dans la forêt de Freyr, dont le nom conviendrait parfaitement à un espace forestier du nord de la Scandinavie. La flore est en grande partie composée de hêtres. Quant à la faune, il faudra déployer toute son attention pour espérer l’observer. En réalité, l’itinérance se prête mal à l’observation des animaux. Il est davantage une affaire de sédentarité. Être à l’affût, disparaître et embrasser silence et patience semblent être les conditions préalables à une invitation dans le monde animal.
Cela est possible grâce aux postes d’observation, dissimulés çà et là sous la frondaison des arbres. Ces miradors à l’origine destinés à la chasse, sont parfaits pour se dissimuler dans le milieu. Ils offrent un point de vue à 360° sur les forêts alentours, uniquement au travers d’étroites visières destinées à augmenter la discrétion. Il y règne un silence paisible. La nécessité d’abattre les kilomètres restants m’empêche cependant de m’y attarder plus longtemps.
Le chemin se poursuit au travers de la forêt de Freyr. Il nous convie à prendre de l’altitude en se coulant plus avant dans le massif. Nous traversons de grands boulevards forestiers au travers de futaies dont l’omniprésence empêche d’accéder à un panorama. Pas tout à fait en réalité. Certains interstices de la canopée laissent entrevoir une courte vision de l’espace environnant. Ainsi, l’on constate avec enthousiasme qu’au-devant de la colline sur laquelle on se trouve s’en tient une seconde, elle aussi intégralement coiffée de bois. Pas de constructions humaines en vue : il est rassurant de savoir que ce genre de vision est encore possible.
Descente vers la Fagne
Atteignant le ruisseau de Bailet, on ne tarde pas à atteindre le fond de vallée où se trouve la fagne de Basseille, accolée à la fagne aux pierres et à celle des Brasseurs. Le paysage s’ouvre alors. Un contraste de jaune/beige sur vert/gris constitue la toile. C’est une teinte de mi-avril qui se transformera au fil des saisons.
Nous faisons alors un aller-retour en longeant le ruisseau de Basseille dans le but de rejoindre l’aire d’observation de la Bure. Celle-ci permet une vision reculée sur le territoire que l’on vient d’arpenter et bien au-delà. Pour y parvenir, il faut traverser la fagne. Elle se présente comme une lande marécageuse. Tourbes et herbes mortes alternent avec des étangs dissimulés abritant batraciens et cigognes. Au bruit d’écoulement du ruisseau s’ajoutent ceux, moins discrets, des ULM décollant de l’aérodrome à proximité. Une fois le point de vue atteint et la soif d’horizon étanchée, il conviendra d’entamer le retour vers l’aval du ruisseau. Celui-ci nous guide au travers de la vallée jusqu’à atteindre Laneuville-au-bois.
Forêt sauvage ?
Lors de mon passage en Condroz, de Natoye à Skeuvre, j’avais été marqué par l’omniprésence de la main de l’homme sur le territoire, allant parfois, il faut le dire, jusqu’à la saturation (il est certains endroits difficiles à photographier sans que s’y invitent poteaux ou fils électriques.). C’est nettement moins le cas ici. En effet, l’espace sauvage existe. J’entends par là qu’il est « laissé à l’abandon » en ce sens quehttps://rumeurdumonde.com/condroz/ l’homme n’intervient pas (ou presque) dans son agencement. La nature y est livrée à elle-même.
Pourtant, difficile de ne pas ressentir ce sauvage comme constitué en zones, cadrées et délimitées. Il apparait clair que leur existence ne résulte que d’une volonté humaine de les préserver. Loin d’échapper à l’orbite de l’aménagement territorial, l’espace sauvage se voit dès lors cohabiter avec monocultures, balisages et autres coupe-feux séparant de manière abrupte deux arpents de forêt. Cela se traduit par une hétérogénéité qui s’accentue. Quiconque ayant l’œil attentif remarquera à la contemplation des lieux que le paysage est davantage le fruit d’un programme d’arrangement du territoire que d’une harmonie naturelle. Ce qui ne l’empêche pas cependant d’exprimer beauté et cohérence.
En effet, il ne s’agit pas ici d’un jugement de valeur, mais d’une observation qui est faite. Une nature qui relève de l’humain n’est pas synonyme de laideur (bien au contraire). Par ailleurs, la beauté n’est qu’une affaire de rapport à l’imaginaire, et, finalement, chaque espèce interagit avec son environnement et le modifie (en particulier l’humain au cours de son histoire). Mais le constat devient troublant lorsqu’on réalise qu’il s’étend à l’échelle nationale, et qu’il participe même d’une tendance mondiale qui a pour conséquence tragique le recul vertigineux du monde animal et végétal. Á l’image de la forêt de Saint-Hubert, l’espace sauvage semble en voie de sanctuarisation. Les sanctuaires sont ces zones réduites et éparses où la loi de la nature demeure. Il nous reste quelques havres de ce type au travers du territoire. Bien que protégés, ceux-ci semblent aller à contre-courant de la Marche du monde, risquant peut-être un jour de n’être plus que des temples à la mémoire d’une époque révolue.
Dès lors, se réjouir des richesses qu’il nous reste et être obstiné à les préserver semble être un bon début !
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Belle randonnée, réflexions philosophiques, naturalistes invitant à penser le monde. Ce monde effectivement qui se modifie et plus que jamais par la poussée des diverses pressions provenant de l’action des êtres humains. Ce qui est désolant, c’est son appétit toujours plus grand pour la possession. L’appétit de certains ne semblent pas pouvoir être contenu pas la sagesse ou la sobriété (heureuse) d’autres. L’idée d’examiner le côté « sauvage » ou « naturel » de portions d’espace permet de constater et dans ce cas-ci d’apprécier ce qui devient en effet un sanctuaire. Ces espaces se réduisent plus ou moins vite selon les endroits (forêts diverses à travers le monde). Il faut cependant continuer afin que les équilibres tentent de rester, équilibre du yin et yang, du « bien » et du « mal », de l’ombre et la lumière, de mister Jekill et Hyde… Nous sommes des funambules (Grand corps malade) à tous les étages…