Randonnée dans le Condroz, de Natoye à Skeuvre
À propos des régions naturelles de Belgique
On connaît fort bien la Belgique sous le surnom de plat pays. Jacques Brel a œuvré à entériner le pseudonyme. Cela ne rend pourtant pas exactement compte de la réalité géomorphologique du territoire. Un massif, l’Ardennais, s’invite en effet dans la partie sud du pays. Il offre un relief certain, bien que modeste avec son timide point culminant à 694 m (signal de Botrange). Le plat pays prend cependant toute son expression dans le nord. Il se constitue grosso modo de la région flamande, ayant des altitudes ne dépassant pas 100 m.
La Belgique présente ainsi une variété de régions naturelles. Parmi elles, le Condroz. Celui-ci se déploie du pays de Herve, à l’est, jusqu’aux lacs de l’eau d’heure à l’ouest. Avec sa forme particulière souvent comparée à une lentille, cette terre fait office de porte d’entrée des Ardennes. Elle est subdivisée en plusieurs sous-espaces. Le central est dénommé « vrai Condroz », celui-ci se targuant d’être le plus représentatif des caractéristiques propres à la région.
J’ai dès lors décidé de réaliser une courte randonnée au travers du « vrai Condroz », de Natoye à Skeuvre, pour tenter d’appréhender la géographie des lieux.
Départ
Le choix de cette randonnée s’est pris sous la contrainte technique ; créchant à Bruxelles, non motorisé, ayant pour disponibilité un après-midi avec retour prévu en soirée. C’est dans ce contexte que je me rends sur le site de la SNCB pour y passer en revue les différentes propositions de randonnées facilement accessibles en train. Je choisis celle partant de Natoye, courte avec ses 8,5 km et atteignable après 1 h 50 de train, avec changement à Namur. (Plus d’informations sur https://www.belgiantrain.be)
La randonnée se fait au départ du Centre d’art et des métiers de la Spirale. On y trouve un office du tourisme proposant un panel de randonnées à pied et à vélo. Prenant le sentier à la gauche du bâtiment, il suffit ensuite de suivre les rectangles rouges. Le centre des métiers d’art de la Spirale propose un panel de promenades à réaliser dans la région.
Terre de collines
Le début de la promenade nous fait passer par l’ancien couvent, aujourd’hui aménagé en centre de demandeurs d’asile de la Croix-Rouge (le Relais du Monde). Nous contournons ensuite le bois de Démémont en suivant le cours du Petit Bocq. En abattant quelques kilomètres, nous atteignons le pré del Loye, offrant le paysage condrusien par excellence. Des collines lisses et modestes s’enchaînent les unes après les autres, donnant l’effet de marcher sur une gigantesque plaque de tôle ondulée.
Ce relief se traduit par un aménagement du territoire particulier. Les champs recouvrent les pentes douces, riches en éléments nutritifs. Les crêtes, peu fertiles, sont couvertes de bois à l’instar des fonds de vallée qui sont en général investis par des prairies. C’est un paysage qui appartient à ce qu’on appelle un modèle Openfield mixte. Il se caractérise par un mélange de labours ouverts (sans clôture) avec une quantité équivalente de pâture.
Nous rencontrons plus loin le village de Maibelle, où s’érigent un château ainsi que la chapelle Notre Dame de Lourdes. Nous traversons la Rau de Maibelle puis rentrons dans un paysage où se côtoient prairies et forêts. On peut alors tant y observer l’activité agricole que la faune des bois. Lapins, putois, renards, et oiseaux allant de la mésange charbonnière au pinson des arbres ont fait de cette terre leur lieu de vie.
Vers Skeuvre et retour à Natoye
La marche nous convie ensuite dans une courte ascension permettant d’atteindre le sommet d’une colline. On fait alors la rencontre de la petite chapelle de Notre Dame sur les Sarts. Isolée, elle a pour seul compagnon un chêne. La hauteur des lieux permet une plus grande clarté de regard sur la géographie du territoire. Légèrement en contrebas, se trouve la ferme sur les Sarts. Si on projette son regard plus au loin, on y voit un relief léger, étendu à perte de vue. S’y enchaînent crêtes et pentes douces.
Les villages du Condroz se dressent en général en contrebas d’un sommet (comme l’est Natoye) ou dans le fond de la vallée (à l’image de Skeuvre). L’habitat est groupé, caractérisé par de longues façades où la pierre calcaire ou de grès venant des carrières de la région est largement sollicitée. Les toits sont pour la plupart couverts de tuiles grises et d’ardoises. Les fermes sont éparses et imposantes. Parfois fortifiées, elles s’apparentent à des châteaux.
Après traversée de forêts et champs, quatre toits pointus au milieu d’un petit village nous signalent notre arrivée à Skeuvre. Il s’agit des tours d’angle du château de la localité. Celui-ci s’illustre pour avoir servi de modèle au château du Comte de Champignac, que l’on retrouve dans la BD de Franquin Spirou et Fantasio. Quelques kilomètres puis loin, nous sommes en vue de Natoye et de son église de style roman.
Modernisation des campagnes
Un élément frappant réside aussi dans le déploiement important de la modernisation et de l’industrialisation du territoire. L’abondance de routes goudronnées, de pylônes électriques et autres éoliennes en est le témoignage. Ici, le sauvage n’existe plus. Tout est intégralement façonné par la main de l’homme (du champ à la forêt). Si certains éléments participent à enlaidir les lieux – l’autoroute donne l’impression de balafrer le paysage – on peut parfois y trouver un charme étrange si l’on prend suffisamment de recul.
Le pittoresque n’a pas disparu pour autant. Les différents lieux cités ci-dessus en sont l’expression. Il réside une trame naturelle dans la région, rendant une homogénéité agréable à l’œil. La campagne belge d’aujourd’hui est le fruit d’une modernisation entamée depuis le 19ème siècle. Si elle a grandement contribué à améliorer la qualité de vie de ses habitants, on ne peut qu’être frappé par la manière dont cela marque le décor. La main de l’homme est omniprésente. Il n’existe pas un hectare qui n’ait été investi par elle. La plupart des forêts sont des monocultures, rigoureusement rangées. En observant une colline coiffée d’arbres, la distinction entre les espèces est souvent très nette. Je n’ai pas dans mes souvenirs de lieux en Belgique où il en est autrement.
On peut ainsi se poser la question : reste-t-il une Belgique sauvage ? Un lieu où la nature ne serait pas une construction humaine ? En regardant une image satellite, il est légitime d’en douter. Subsistent pourtant des zones d’ombres, qui semblent passer entre les mailles du filet. On pourrait croire à des sanctuaires survivants formant un archipel, et dont les iles seraient pour la plupart au Sud de la Belgique. Il convient cependant d’être prudent à cet égard. Un relief marqué avec une couverture forestière importante est loin d’être, en Belgique du moins, la garantie d’une nature façonnée par elle-même.
Quand bien même, cela a le mérite de générer suffisamment de curiosité pour se mettre en quête de ces espaces. Il en sera probablement question dans de prochains articles !
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