Exploration de la citerne basilique : dans le palais enfoui d’Istanbul
Le « palais englouti », Yerebatan Sarayi, appelé aussi citerne-basilique, est un édifice majestueux situé dans les tréfonds de Sultanahmet, quartier du centre d’Istanbul. Dans cet article, parenthèse de la série Bruxelles – Mont Ararat sans avion, je vous partage mon expérience suite à une visite en 2022.
Un peu d’Histoire
La citerne-basilique fut construite par l’empereur Justinien en 542. 7000 esclaves ont été nécessaires à l’édification de l’ouvrage, impressionnant par ses 140 mètres de long, 70 mètres de large, 8 mètres de haut et sa capacité de 78 000 m³. Construite sous une basilique qui fut détruite puis rebâtie, elle fut oubliée après la chute de Constantinople par les Ottomans. Petrus Gyyllius, un voyageur hollandais, découvrit cette cité souterraine après avoir appris que des habitants vendaient des poissons pêchés depuis leurs puits et que certains y trouvaient de l’eau potable. On finit par la réhabiliter en 1545 pour approvisionner les eaux du palais de Topkapi. Autrefois, on y progressait en barque. Aujourd’hui, un escalier suivi d’une plateforme permet d’en faire l’exploration.
A savoir avant la visite
La citerne-basilique demeure une attraction parmi les plus prisées d’Istanbul. Une fois passées les petites heures du matin, une longue file s’étire devant l’entrée, remplissant le trottoir de la rue Alemdar et se prolongeant souvent jusqu’à la Yerebatan adjacente. Toutefois, si elle peut faire peur, le temps d’attente n’est pas aussi long qu’il n’y parait. Beaucoup sont autorisés à entrer simultanément, ce qui, malheureusement, peut parfois rendre l’intérieur à la limite du surpeuplement.
Le prix à l’entrée est de 190 lires turques (en 2022, ce qui correspond à 6 €). Malheureusement, le Museum pass Istanbul n’inclut pas la visite. Une fois passé le portique, on pénètre par un escalier dans les profondeurs de la terre. Progressivement, le froid vient crisper les muscles, l’humidité piquer l’odorat. L’édifice a des senteurs de grottes de montagne. Une fois arrivé en bas, l’espace s’ouvre sur une immense galerie de colonnes agencée selon un quadrillage précis. Une forêt de béton de plus de 336 colonnes réparties en 12 rangées de 28, le tout baignant dans des eaux sombres.
La construction est très impressionnante. D’autant plus qu’elle s’étend à perte de vue. Que devait être l’émotion incroyable ressentie par Petrus Gyyllius lorsque, flairant l’anomalie, il tomba sur cette immensité souterraine, reposant secrètement dans les soubassements de l’immense cité. Un espace silencieux, oublié, à l’abri de la clameur des bazars et des places. De calme, pourtant, il ne reste pas grand-chose aujourd’hui. Faire le tour de la citerne-basilique implique de suivre une plateforme sur laquelle tout le monde évolue dans un unique sens. Un afflux accentué aux heures de pointe et qui provoque une rumeur bruyante et constante dans la citerne. Difficile de ressentir l’espace, le silence, les échos des gouttes tombant dans la grande piscine, bref de l’univers sonore fascinant des grottes et autres lieux creusés dans la terre, avec un tel brouhaha.
Les points marquants
Progresser à travers l’édifice permet de le découvrir sous tous les angles possibles et imaginables. Un jeu de lumière fait baigner l’ensemble du décor dans une évolution constante de couleurs. Bien que cela donne lieu à de belles impressions, j’aurais largement préféré un éclairage plus sobre permettant davantage de profiter de l’ouvrage en tant que tel (la lumière orangée originale assurant largement le spectacle). Mais le plus gros problème vient selon moi de la musique, loin d’être discrète, qui accompagne ponctuellement le jeu de lumière. Pourquoi avoir voulu ajouter de la musique ? Cela ne fait qu’amplifier la cacophonie qui déjà empêchait de ressentir les sons du lieu. D’un coup, il prend des allures d’attraction Disneyland.
Le summum de l’absurde arrive lorsque les lumières s’éteignent et qu’un show visuel est projeté sur un mur de la cavité. Tout devient alors noir pour permettre la projection du film. On y voit une animation d’une méduse modélisée en une 3D grotesque. Je ne comprends pas l’intérêt de ce numéro, que je fais immédiatement rentrer dans mon bêtisier des attractions touristiques.
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Profitant du temps séparant deux représentations lumino-sonores, on peut espérer profiter des détails de cette sublime construction. En bout de salle, on peut trouver deux têtes de Méduse sculptées au bas d’une colonne, lui servant de socle. Il est facile de les rater, surtout lorsqu’il y a du monde. Ces sculptures, probablement destinées à détourner des influences maléfiques, dénote avec l’uniformité du reste des piliers. Par-ci par-là, il est toutefois possible de distinguer des yeux sculptés ou des motifs naturels.
Mon avis sur la citerne-basilique
La basilique citerne a tout du lieu exceptionnel terriblement mal investi par l’industrie touristique. En voulant y apposer toutes ces futilités visuelles et sonores, on en perd complètement l’ambiance intrinsèque de la citerne, qui n’avait besoin de rien, si ce n’est d’un peu de lumière, pour être magnifique et fascinante.
Aussi, j’aurais largement préféré faire une file bien plus longue et ne pas pour découvrir le lieu dans la cohue. Malheureusement, il semble qu’à Istanbul, on recherche davantage la maximisation de la rentabilité économique que la mise en valeur du patrimoine. Ce qui est regrettable, mais n’a rien d’étonnant vu l’importance du tourisme en ville.
En revanche, si l’on parvient à faire abstraction de tout ce qui a été dit, on peut se perdre dans la contemplation de la basilique citerne, en s’étonnant qu’une civilisation si ancienne ait pu fabriquer tel ouvrage.
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